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Hausse de la déforestation en Amazonie : mieux comprendre les chiffres pour mieux gérer les territoires

Mais à y regarder de plus près, ce message est trompeur, car il masque une réalité très contrastée. Il existe bien une Amazonie qui augmente fortement ses déforestations, à un rythme beaucoup plus élevé que ce que les chiffres indiquent, mais aussi une Amazonie qui cesse de déforester. Considérer le seul chiffre régional revient à diluer ces deux réalités, et donc à ne pas les voir, ce qui peut conduire à des opinions, des plaidoyers et des politiques inadaptés aux deux tendances.
La figure 2 (données ) indique que la hausse observée en 2020 de 1000 km² sur toute la région est concentrée dans le seul Etat du Pará (augmentation de 1020 km² par rapport à 2019). Les variations dans les autres États sont proches de la stabilité, certaines légèrement positives (Amazonas, Mato Grosso), les autres négatives ou stables, mais en tous cas dans des valeurs beaucoup plus basses (la deuxième augmentation la plus forte est celle de l’Amazonas, avec une hausse de 80 km² par rapport à 2019, soit un taux de croissance 12 fois plus réduit que celui observé dans l’Etat du Pará). Cette figure indique donc que l’augmentation de la déforestation en 2020 est surtout une affaire de l’Etat du Pará, confirmant une tendance visible depuis 2012. En effet, l’autre Etat grand champion de la déforestation, le Mato Grosso, a lui réduit drastiquement ses déforestations dès 2005 jusqu’à un niveau plancher auquel il se maintient depuis. Le Rondônia, troisième larron, a fait de même. Les autres Etats présentent des contributions minoritaires et globalement constantes.
Une analyse plus fine au niveau des communes de l’Etat du Pará, montre là aussi une forte concentration, et qui a tendance à s’accentuer. Seul un petit nombre de communes est responsable d’une grande partie de la déforestation dans l’Etat, et cette constatation se confirme en 2020. Les deux communes d’Altamira et São Félix do Xingú sont responsables à elles seules de 31% des déforestations de l’Etat en 2020, avec 1400 km². En 2019, elles ne représentaient que 25% du total, avec 1140 km². Si l’on regarde les cinq communes qui déforestent le plus, elles totalisent 2290 km², soit 51% de tout l’Etat, proportion qui grimpe à 76% si l’on considère les quinze premières communes. On retrouve par ailleurs toujours les mêmes communes aux premières places, dans un ordre qui varie légèrement d’une année à l’autre. Les 139 autres communes du Pará se partagent les 25% restants, avec des taux de déforestations pour chacune largement inférieurs à ceux fixés par la législation du Pará (seuil maximum de 40 km² par an). Cette concentration traduit l’existence de « territoires de déforestation », où celle-ci persiste d’année en année et s’étend rapidement malgré la législation, et d’autres territoires, où la déforestation reste sous contrôle et évolue de manière rassurante. On peut qualifier ces derniers de « territoires de post-déforestation », non pas que celle-ci en soit complètement absente, mais son contrôle y est maitrisé et le développement se fait désormais sur d’autres bases.
En effet on entend encore souvent dire que la déforestation est synonyme de développement économique. Ces 139 communes prouvent le contraire. Paragominas par exemple a obtenu en 2020 les chiffres de déforestation les plus bas de son histoire, avec 10 km2 (contre 330 km² en 2005). Entretemps, la commune est devenue un pôle d’intensification agricole et d’élevage, de diversification et de verticalisation de l’économie agricole. Cette commune (19 500 Km², soit les 2/3 de la Belgique) démontre qu’il est fort possible de se développer économiquement en Amazonie tout en maintenant une couverture forestière sur 72% du territoire, entre forêts primaires et secondaires.
La déforestation est donc loin d’être une fatalité, et sa hausse globale n’est pas une généralité, mais un phénomène de plus en plus localisé. Elle cache des modes de développement territorial pratiquement opposés, qui peuvent être soutenus par des politiques contrastées.
L’analyse des chiffres à l’échelle locale conduit donc à mettre en avant cette dichotomie. Au-delà d’une sorte de fatalité régionale qui transparaît dans beaucoup de communications, la plupart des communes s’en sort. Les communes sont en réalité confrontées à d’autres problématiques pour intensifier l’usage des sols, restaurer des forêts et les protéger contre les dégradations. Il est dommage de passer sous silence ces dynamiques, qui ont besoin pour être soutenues des signaux des marchés et des investisseurs, et donc de l’opinion publique. A l’inverse, il est dommage aussi de ne pas pointer ces quelques territoires responsables de l’augmentation de la déforestation, territoires qui dégradent impunément l’image globale de la région amazonienne.