Plaidoyer 8 janvier 2025
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Quel est le potentiel de production agricole des terres cultivées ?

© A. Couedel, Cirad
« Nous sommes engagés dans une course à l’information pour estimer le potentiel de production des terres agricoles disponibles dans de nombreux pays, notamment dans une optique de sécurité alimentaire mondiale et ce dans le but d’éviter de cultiver de nouvelles terres », déclare Antoine Couëdel, chercheur agronome au Cirad et premier auteur de l’étude.
Pour ce faire, il est nécessaire d’obtenir des estimations de rendement potentiel des cultures permis par le climat et les différents types de sol, ainsi que l’écart des rendements actuels par rapport à ce potentiel (appelé « yield gap »). Ce « yield gap » indique la marge de manœuvre disponible pour accroître de manière durable la production alimentaire sur les terres cultivées existantes via des techniques agricoles durables. Ces estimations sont essentielles pour déterminer les régions agricoles dans lesquelles investir en priorité dans la recherche et le développement, tant au niveau public que privé.
« L’enjeu est de savoir comment réaliser au mieux ces estimations à l’échelle de larges régions agricoles », précise le chercheur du Cirad.
Dans cet article de Nature Food, l’équipe, composée d’agronomes du Cirad et de trois universités américaines, remet en question les méthodes statistiques aujourd'hui largement utilisées pour estimer les rendements agricoles potentiels.
Des méthodes statistiques inadéquates pour estimer les rendements potentiels
« Aux États-Unis, par exemple, les modèles statistiques actuels ont tendance à surestimer ces rendements en se basant sur les rendements actuels les plus productifs obtenus sur les sols plus fertiles au cours d'années où les conditions météorologiques sont les plus favorables », explique Patricio Grassini, professeur d’agronomie à l’université du Nebraska. Ces méthodes surestiment de fait le potentiel de production en extrapolant un potentiel de rendement unique sur de vastes régions présentant pourtant une grande diversité de climats et de sols.
A l’inverse dans d’autres régions du monde - en Afrique sub-saharienne, par exemple - ces modèles statistiques basés sur les meilleurs rendements actuels pourraient largement sous-estimer le rendement potentiel des cultures. Dans ces régions, les agriculteurs ont un accès limité aux intrants, atteignant ainsi des rendements bien inférieurs à ce que le climat peut permettre, sous-estimant ainsi largement le potentiel de production et d’autosuffisance de nombreux pays africains.
Ces approches statistiques aboutissent également à des résultats contradictoires, les estimations de potentiel de production pouvant doubler d'une méthode à l'autre. Selon Patricio Grassini, « ces approches, surtout développées par des géographes et des statisticiens, et non par des agronomes, ont été largement acceptées, alors qu’aucune évaluation rigoureuse de leur pertinence n’a été réalisée ».
Des modèles de cultures localement validés pour une meilleure estimation régionale
L'étude a notamment comparé les estimations du potentiel de rendement et des écarts par rapport aux rendements actuels des principales cultures pluviales américaines (maïs, soja et blé) dérivées de quatre modèles statistiques, à celles dérivées d'une approche ascendante de spatialisation via une modélisation des cultures basée sur des données météorologiques et pédologiques locales, tel que le Global Yield Gap and Water Productivity Atlas développé à l'Université du Nebraska.
Les modèles de culture utilisés dans cette étude ont été rigoureusement validés pour leur capacité à estimer le potentiel de rendement sur la base de données expérimentales provenant d’un large éventail d'environnements. Cette approche ascendante, qui intègre mieux les données à long terme et les variations régionales, donne des résultats nettement plus pertinents agronomiquement, a constaté l'équipe.
Les conclusions de l'équipe scientifique remettent en question les idées jusque-là largement répandues sur les potentiels de production de nombreuses régions agricoles.
L'approche recommandée par l'équipe devrait permettre de mieux identifier les régions où les rendements actuels sont proches de leur potentiel et inversement les régions où la marge d'augmentation durable de la production agricole est la plus importante, servant ainsi de base pour orienter les programmes de recherche et de développement agricoles.
Antoine Couëdel, aujourd'hui au Cirad, était initialement en postdoctorat à l’université du Nebraska. Ont collaboré à cet article : Fatima Tenorio, Fernando Aramburu Merlos, Juan Rattalino Edreira professeurs adjoints d'agronomie à l'université du Nebraska ; Romulo Lollato, professeur associé d'agronomie à l'université du Kansas ; Sotirios Archontoulis, professeur d'agronomie à l'université de l'Iowa ; et Patricio Grassini, professeur d'agronomie à l'université du Nebraska.
Référence
Couëdel, A., Lollato, R.P., Archontoulis, S.V. et al. Statistical approaches are inadequate for accurate estimation of yield potential and gaps at regional level. Nat Food (2025).