Podcast | Le meilleur poivre du monde ? - S.6 Ép. 4

Vient de sortir 8 août 2025
Il existe à Madagascar un poivre sauvage d'une qualité extraordinaire : le voatsiperifery. Cette liane grimpante pousse dans les forêts malgaches et fructifie à la cime des arbres. Pour le récolter, les cueilleurs sont souvent obligés de couper les lianes, voire de couper l'arbre tuteur sur lequel elles poussent. Or cette destruction de l'habitat naturel du poivre risque d'engendrer sa disparition… Et si la solution, c'était la domestication ?
Baies de tsiperifery dans une serre de la société Floribis, à Madagascar © Virginie Kockelmann
Baies de tsiperifery dans une serre de la société Floribis, à Madagascar © Virginie Kockelmann

Baies de tsiperifery dans une serre de la société Floribis, à Madagascar © Virginie Kockelmann

Avec :

  • Jérôme Queste, chercheur au Cirad, spécialisé sur les compromis entre conservation de la biodiversité et valorisation de cette biodiversité, au bénéfice des populations locales
  • Virginie Kockelmann, responsable de la partie recherche et développement à Floribis, une société agroalimentaire basée à Madagascar

Le voatsiperifery est endémique de Madagascar : on ne trouve ce poivre que là-bas. En parallèle, il a des propriétés gustatives incroyables, ce qui en fait un produit très demandé. Trésor de biodiversité d'un côté, source de revenus de l'autre : le poivre sauvage de Madagascar fait face au dilemme classique des produits forestiers non ligneux.

L'exploitation du tsiperifery semble suivre le même chemin que le Prunus africana, une espèce d'arbre dont l'écorce était très recherchée en pharmaceutique, et qui a failli disparaître. Aujourd'hui, le Prunus africana est interdit à l'exploitation et à l'exportation. On a donc intérêt à réagir dès maintenant pour éviter de reproduire ce scénario.

Jérôme Queste
Jérôme Queste

© DR

L’exploitation de certains produits issus de la flore ou de la faune sauvage peut engendrer une destruction des habitats naturels. Mais pour les communautés, c’est aussi parfois une source de richesse qui leur permet d’améliorer leurs conditions de vie. Une solution existe pourtant : la domestication.

Tsiperifery sous serre, société Floribis à Madagascar © Virginie Kockelmann

Tsiperifery sous serre, société Floribis à Madagascar © Virginie Kockelmann

La domestication du poivre sauvage demande d'apprendre les ressorts écologiques de la plante, ce qui n'est pas une mince affaire. La recherche malgache et française, ainsi que plusieurs entreprises privées, ont lancé des travaux dans ce sens.

Un poivre classique, on va le qualifier surtout par son piquant. Ce qui rend le voatsiperifery si exceptionnel, ce sont les notes aromatiques qui viennent s'ajouter à un piquant prononcé : on y retrouve de l'anis, de la cannelle, ou encore de la muscade.

Virginie Kockelmann
Virginie Kockelmann

 © DR

Le FOFIFA, le centre national de recherche agricole à Madagascar, dirige aujourd'hui les recherches publiques sur le tsiperifery. Il y a quelques années, le centre a découvert que la plante était dioïque, c'est-à-dire qu'elle possède des inflorescences mâles et femelles, et que les deux sont nécessaires à l'obtention des baies.

Inflorescence mâle de tsiperifery, serres de Floribis à Madagascar © Virginie Kockelmann

Inflorescence mâle de tsiperifery, serres de Floribis à Madagascar © Virginie Kockelmann

Derrière ces travaux, l'objectif à terme est de réussir à mettre en place des méthodes de cultures intéressantes pour les communautés locales, créer des emplois et structurer une filière économique viable, tout en protégeant la biodiversité. Un défi de taille, pour un poivre exceptionnel.

Nourrir le vivant, le podcast du Cirad

La population mondiale devrait atteindre dix milliards de personnes en 2050, faisant bondir la demande en produits agricoles. Or, nos approches conventionnelles de la production et de la consommation ne permettent pas de répondre durablement à cette augmentation. Entre pollution, perte de biodiversité, réchauffement climatique… Comment ne pas scier la branche sur laquelle nous sommes assis ? Ce défi, colossal, nous impose de changer radicalement notre rapport au vivant. À travers son podcast Nourrir le vivant, le Cirad vous emmène à la découverte de territoires et populations qui réinventent leur agriculture. Accompagnés de scientifiques, agricultrices, formateurs, étudiantes, éleveurs découvrent la force de transformation des systèmes agricoles, de la production alimentaire à l’emploi, en passant par la santé des écosystèmes.