Science en action 6 novembre 2025
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Préserver la folle ²ú¾±´Ç»å¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé des agrumes
Mandarine prospectée en Martinique, dotée d’une peau très épaisse et douce en goût. Cette variété atypique est conservée au champ dans la parcelle patrimoniale d’agrumes du Campus agro-environnemental Caraïbe (CAEC) en Martinique © Y. Sanguine, Cirad
L’essentiel
- Le 5 décembre 2025, le Centre de ressources biologiques (CRB) « Citrus », situé sur le site INRAE de San Giuliano en Haute Corse a inauguré une toute nouvelle serre. Nommée « ARCHE », cette infrastructure hors norme de 1100 m² est « insect-proof » et va bientôt accueillir des centaines de variétés du CRB « Citrus ».
- L’inauguration de ARCHE s’inscrit dans une volonté de préserver l’une des plus grandes collections d’agrumes au monde, face à des défis sanitaires grandissants ainsi qu’à l’intensification d’évènements climatiques. Une initiative qui fait écho à d’autres actions de préservation, comme le développement aux Antilles de collections patrimoniales d’agrumes pensées pour recenser les variétés locales souvent méconnues, ainsi qu’une serre de quarantaine.
- En Corse, le CRB Citrus accueille actuellement 1 064 accessions d’agrumes, « variétés introduites », issues de 42 pays. Cette collection est gérée par les équipes scientifiques d’INRAE et du Cirad.
Les risques sanitaires et climatiques s’accumulent autour des agrumes. Ces dernières années, plusieurs territoires et pays ont déploré la perte d’un fort pourcentage de leurs vergers suite à des épisodes de sécheresse ou à la propagation rapide de maladies. Une situation qui pousse les acteurs de la recherche à conserver la biodiversité connue, mais aussi à mieux l’étudier afin de développer des solutions tant génétiques qu’agronomiques.
ARCHE : mettre à l’abri la plus grande collection d’agrumes d’Europe et de Méditerranée
Le site de San Giuliano en Corse héberge une immense collection d’agrumes : 1064 accessions y sont rassemblées sur treize hectares. Chaque accession représente un génotype qui se distingue des autres : des citrons de plusieurs couleurs, des mandarines sous toutes les formes, des clémentines, des oranges, des cédrats, etc.
Cette richesse se voit cependant menacée. Depuis plusieurs années, des pathogènes particulièrement virulents détruisent les vergers un peu partout dans le monde. La maladie du dragon jaune, ou Huanglongbing (HLB), incurable, a par exemple dévasté la production d’oranges en Floride, aux États-Unis. Le pathogène est véhiculé par un petit insecte vecteur : les psylles. Si la maladie n’est pas encore arrivée en Méditerranée, les psylles sont déjà présents en Espagne, Portugal, Israël et Chypre.
Des défis sanitaires auxquels il faut ajouter la multiplication d’évènements climatiques extrêmes : chaleur, gels, sécheresses, vent etc. Afin de sécuriser la collection, la recherche française a investi pour construire ARCHE : une serre anti-insectes, et capable d’héberger les accessions vivantes indemnes de maladies. Certains génotypes sont également conservés en cryobanque, pour une double conservation.
La protection de la collection vient servir des intérêts directs pour la recherche et l’agriculture : parmi ces trésors de biodiversité se cachent des gènes de résistance face aux pathogènes, mais aussi des informations sur l’origine des différentes espèces et leur évolution. Des connaissances vitales et nécessaires à la création variétale d’agrumes répondant aux attentes de la profession agrumicole corse, du bassin méditerranéen mais également des territoires ultramarins et des pays tropicaux.
Le CRB Citrus diffuse ainsi chaque année du matériel génétique dans près de 30 pays.
Des parcelles patrimoniales pour les agrumes antillais
En écho à la Corse, deux autres îles françaises s’organisent pour la préservation de ses agrumes : la Guadeloupe et la Martinique. Depuis plusieurs années, des équipes du Cirad mènent des activités de prospection dans les jardins créoles pour récolter des accessions uniques : des agrumes qui se sont hybridés naturellement et acclimatés aux microclimats des îles caribéennes.
En Martinique, Eric Chiffrin, technicien agricole du Cirad, a ainsi déjà rassemblé plus de 30 variétés d’oranges, de mandarines, de pamplemousses, de pomelos ou encore de clémentines. Il les cultive sur ce qui s’appelle une « parcelle patrimoniale », au cœur du Campus agro-environnemental Caraïbes (CAEC). Alors que la maladie du dragon jaune progresse sur l’île, l’objectif est bien de s’assurer que ces agrumes, part du patrimoine biologique de la Martinique, ne disparaissent pas. Les particuliers autorisent le Cirad à prélever quelques greffes, en échange de quoi ils pourront récupérer leur variété auprès du CAEC si jamais leurs arbres meurent.
La Guadeloupe n’est pas en reste et entretient également sa propre parcelle patrimoniale sur le site Cirad de Roujol. Les agrumes guadeloupéens originaux y côtoient d’autres variétés, comme des microcitrus venus d’Australie. Microcitrus australisasica, citron caviar, ou encore lime australienne : au-delà d’avoir plusieurs noms, ce citron possède la particularité d’être résistant à la maladie du dragon jaune.
Les Antilles, l’île de la Réunion et la Guyane sont les seuls territoires européens où la maladie du dragon jaune est présente. Les recherches menées par la recherche française dans ces régions ultramarines sont donc vitales, car elles permettent de proposer des solutions pour ces territoires. De même, conserver, étudier la biodiversité agrumicole des Antilles, et évaluer de nouveaux génotypes plus tolérants voire résistants issus des programmes de recherche, c’est aider et préparer toute la filière en Europe à s’adapter efficacement face à la menace du HLB.
En champ et sous serres, ces collections vivantes sont clés pour l’avenir des filières agrumicoles partout dans le monde. Non seulement elles permettent de relancer rapidement les activités en cas de catastrophe, via la distribution de semences de porte-greffes ou de greffons, mais leur étude garantit également une meilleure compréhension des mécanismes génétiques et biologiques chez les agrumes. Les travaux portent à ce titre autant sur les déterminants de la qualité, que sur l’adaptation aux contraintes et aux stress biotiques et abiotiques. Cette riche diversité, qui est à préserver, est un des piliers incontournables pour une agrumiculture viable et durable.