Résultats & impact 8 avril 2025
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Histoire évolutive de deux céréales appelées « fonio » : un même nom mais deux domestications indépendantes

Epis de fonio. © J.F. Cruz, Cirad
L’étude de la domestication des plantes permet de comprendre d’une part les origines de l’agriculture, mais aussi comment les relations entre espèces domestiquées, apparentés sauvages, sociétés humaines et environnements ont façonné la diversité cultivée. La diversification des cultures est largement reconnue comme un élément clé de la construction d’une agriculture résiliente et de systèmes alimentaires durables. Cependant, les études génomiques des histoires évolutives des plantes cultivées se sont majoritairement concentrées sur les espèces dîtes majeures de notre alimentation (riz, maïs, blé). Dès lors, l’étude de la domestication des espèces traditionnelles, principalement cultivées dans des systèmes agricoles familiaux, a longtemps été négligée. C’est notamment le cas des cultures subsahariennes telles que le fonio noir (Digitaria iburua) et le fonio blanc (Digitaria exilis), qui présentent par ailleurs des caractéristiques agronomiques et nutritionnelles reconnues.
L'objectif de la présente étude est de déterminer quand et comment ces deux espèces ont été domestiquées, en particulier si leur domestication résulte d’un processus indépendant ou non, et de révéler les dynamiques associées à ces processus. Pour ce travail, les scientifiques ont rassemblé une vaste collection de ressources génomiques comprenant 265 accessions des deux espèces cultivées et de leurs apparentés sauvages. Parmi ces accessions, les premières séquences de génomes complets du fonio noir (Digitaria iburua) et de son apparenté sauvage (Digitaria ternata) ont été obtenues. Mais aussi, de nouveaux génomes complets du fonio blanc (Digitaria exilis) ont été générées afin d’obtenir une image représentative et quasi-complète de sa répartition géographique.
Dans cette étude, les chercheurs ont montré que le fonio noir et le fonio blanc forment deux pools génétiques distincts. Ils se sont appuyés sur une combinaison d’approches et méthodes génomiques complémentaires qui permet d’établir de façon robuste l’existence de deux évènements de domestication, indépendants et sans flux de gènes, pour ces cultures aux apparences et usages similaires, parfois cultivées dans les mêmes localités. Les modélisations démographiques infèrent une date d’expansion de la culture du fonio au début des premiers siècles de notre ère, coïncidant ainsi avec la date des plus anciens restes archéobotaniques de fonio retrouvés au Nigeria. La culture du fonio semble ensuite diminuée à partir du 16ème siècle, probablement en raison de bouleversements sociodémographiques liés aux colonisations européennes : introduction de nouvelles espèces comme le maïs ou le riz, mais aussi intensification de l’esclavage.
Les connaissances acquises de cette étude sont déterminantes pour mieux comprendre les dynamiques spatiotemporelles de la domestication des espèces en Afrique subsaharienne. Les résultats obtenus sont également essentiels pour mieux conserver la diversité face aux évolutions climatiques, et pour valoriser plus largement ces espèces, tout en prenant garde d’assurer le partage avec les communautés locales des avantages financiers, alimentaires ou autres tirés de leur utilisation.
Référence
Thomas Kaczmarek, Philippe Cubry, Louis Champion, Sandrine Causse, Marie Couderc, Julie Orjuela, Edak A. Uyoh, Happiness O. Oselebe, Stephen N. Dachi, Charlotte O.A. Adje, Emmanuel Sekloka, Enoch G. Achigan-Dako, Abdou R. Ibrahim Bio Yerima, Sani Idi Saidou, Yacoubou Bakasso, Baye M. Diop, Mame C. Gueye, Richard Y. Agyare, Joseph Adjebeng-Danquah, Mathieu Gueye, Jan J. Wieringa, Yves Vigouroux*, Claire Billot*, Adeline Barnaud*, Christian Leclerc*. , Nature Communications, 16, 4067 (2025).
* Ces auteurs ont contribué à parts égales.
Cette publication est issue des travaux de thèse et post-doc de Thomas Kaczmarek, réalisés en collaboration entre AGAP Institut et l’Unité Mixte de Recherche (UMR) Diversité, Adaptation, Développement des Plantes (DIADE).
Financements français de ces recherches : Union Européenne Horizon 2020 EWA-BELT (862848, ‘Linking East and West African farming systems experience into a BELT of sustainable intensification’) et Projet ANR AfriCrop (ANR-13-BSV7-0017).